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Le point scientifique sur
l'Effet de Serre


Le point scientifique sur
l'Effet de Serre

Beaucoup de gens, industriels, journalistes ou simples particuliers, ont parfois des idées fausses sur les risques climatiques que pourrait provoquer l'accumulation, dans l'atmosphère, de gaz que l'on appelle gaz à effet de serre (dits ici GES).

Peut-être ont-ils été influencés par les dires d'un vulcanologue qui prétendit, contre toute évidence, que ces gaz n'ont aucune influence sur le climat.

Peut-être aussi par les critiques, plus nuancées, de ceux qui disent que les "modèles de circulation atmosphérique globale"- sur lesquels sont fondées les prévisions quantitatives de l'évolution des climats au siècle prochain - ne prennent pas en compte toute la complexité des phénomènes climatiques (en particulier la part qu'y jouent les océans et leurs courants) et que des "surprises" sont possibles.

C'est pourquoi nous allons, à leur intention et avec objectivité, distinguer ce qui est sûr, ce qui est fort plausible et ce qui est encore sujet à controverses.

Mais disons aussitôt que les prévisions des climatologues ont un fondement scientifique beaucoup plus sérieux que celles des économistes.

Nous avons beaucoup utilisé le rapport de 1995 du "Groupe Intergouvernemental d'Études des Changements Climatiques" (GIECC, IPCC en Anglais) mis en place depuis 1988 par les Nations Unies et qui réunit les meilleurs spécialistes de la climatologie.


A. Ce qui est sûr

1) Le mécanisme de l'effet de serre

Le sol réémet vers l'espace des rayons infrarouges que certains gaz, les GES, interceptent et rabattent vers le sol, augmentant ainsi la température. C'est là l'effet de serre, un phénomène naturel. Sans les GES la température moyenne du globe serait de 35ºC plus basse: -20ºC au lieu de +15ºC.

L'analyse des bulles de gaz contenues dans des carottes glaciaires montre un parallélisme frappant entre les températures depuis 160.000 ans et les teneurs de l'atmosphère en gaz carbonique et en méthane ("courbe de Vostock"). L'explication la plus plausible est que l'alternance des âges glaciaires et des périodes plus chaudes est déclenchée par des phénomènes astronomiques et que gaz carbonique et méthane sont des accélérateurs.

2) Les gaz à effet de serre

C'est la structure des molécules de certains gaz (raies d'absorption,...) qui les rend aptes à rabattre vers le sol les rayons infrarouges. Les principaux sont:

Les concentrations de ces gaz sont minimes: 0,035% en volume pour le plus abondant, le CO2, environ 600 fois moins que l'oxygène. Cela explique pourquoi les activités humaines peuvent changer ces concentrations.

3) Les potentiels d'effet de serre instantanés de ces gaz

On calcule avec une précision satisfaisante combien une masse donnée d'un GES donné contribue à l'effet de serre, c'est-à-dire la quantité d'énergie (en watts par m2) qu'elle transmet au sol. Ce que cette masse deviendra dans l'avenir est moins précisément connu (voir B.6).

Vers 1990 les contributions respectives de ces gaz à l'effet de serre total étaient approximativement :

Gaz carbonique    48 %
Méthane           17 %
CFC               18 %
Protoxyde d'azote  6 %
Ozone et autres   11 %
 

Une molécule de méthane est 21 fois plus active dans l'effet de serre qu'une molécule de gaz carbonique, et une molécule de CFC-11 l'est 12.000 fois.

4) La montée des GES et son origine humaine

La concentration de C0 2 est passée de 280 ppmv (parties par million en volume) au début de l'ère industrielle à 356 ppmv en 1993, et augmente de 1,5 ppmv par an.

Celle du méthane a augmenté de 145 % en un siècle.

Les CFC sont des gaz artificiels qui n'ont commencé à être fabriqués que vers 1930.

La concentration de N20 a augmenté de 0,25 % par an depuis 40 ans.

Quant à l'ozone, les pertes dans la stratosphère sont plus que compensées par son accroissement à proximité du sol.

Ces accroissements sont totalement d'origine humaine pour les CFC et l'ozone, presque totalement pour le CO2, de 60 % à 80 % pour le CH4 et de 30 % pour le N20.

5) Les sulfates en aérosols

Le dioxyde de soufre S02 émis par la combustion du charbon et du fioul est transformé dans l'atmosphère en fines particules de sulfates (aérosols).

Ils provoquent non seulement une pollution de l'air (pluies acides) mais réfléchissent aussi les rayons du soleil et s'opposent donc partiellement au réchauffement. L'émission de poussières liée aux travaux publics et à de mauvaises pratiques agricoles et sylvicoles va dans le même sens. Les éruptions volcaniques également : celle du Pinatubo aux Philippines en juin1991 a, pendant deux ans, interrompu la série des années chaudes observée depuis la décennie 1980, mais la température moyenne a repris son réchauffement à partir de 1994.

Sauf en cas d'éruption volcanique majeure, les aérosols et poussières retombent assez vite au sol de sorte que leur effet refroidisseur ne touche que la région où ils sont émis (leur transport par les vents ne dépasse guère 1.000 km). Or l'évolution des productions, en particulier les mesures de dépollution, ont diminué de 40 % les émissions de SO2 de l'Europe entre 1980 et 1993 (17 Mt au lieu de 28 Mt, Est inclus) ; la tendance est analogue en Amérique du Nord et au Japon ; elle devrait se poursuivre. Les principaux émetteurs du futur devraient être la Chine et l'Inde : une partie de leur C02 viendra nous réchauffer mais aucun de leurs aérosols ne contrecarrera ce réchauffement.

Au niveau global, le refroidissement par les aérosols ne dépasse guère le dixième du réchauffement par les GES. Essentiellement, ces aérosols masquent une partie de l'effet de serre. Un certain réchauffement global est donc inévitable (Voir B.2 pour des estimations).

6) Quelques conséquences, au moins qualitatives, d'un réchauffement global

7) L'inertie thermique des océans

peut masquer pendant une vingtaine d'années les signes incontestables d'un réchauffement global.


B. Ce qui est plausible

1) Sauf pour les CFC, Les émissions et formations de GES vont continuer à s'accroître.

Plusieurs scénarios - bas, moyens et hauts -, incluant en premier lieu les consommations d'énergies fossiles, ont été établis. Les prévisions quantitatives qui suivent ont été faites dans l'hypothèse d'un scénario moyen.

2) Les modèles climatiques

Sans être parfaits, les modèles climatiques ont récemment fait de notables progrès et pris en compte un nombre croissant de phénomènes, y compris celui des aérosols.

Ils prévoient, de 1990 à 2100, un réchauffement global compris entre 0,8ºC et 3,5ºC en cas de croissance globale des émissions soufrées, entre 0,8ºC et 4,5ºC au cas où elles seraient stabilisées à leur niveau actuel.

Les "meilleures estimations" du GIECC-1995 sont de 2ºC et de 2,4ºC respectivement.
Cette croissance aura lieu à un rythme compris entre 0,12ºC et 0,26ºC par décennie, un rythme plus rapide que tout ce qu'on a pu observer depuis 10.000 ans Avec les "meilleures estimations", la température moyenne du globe en 2100 serait plus élevée que tout ce qu'il a connu depuis 125.000 ans.

Le niveau des mers s'élèverait ainsi de 20 cm à 80 cm (avec croissances des aérosols), ou de 30 cm à 100 cm (avec leur stabilisation). Des dizaines de millions de personnes devraient alors être évacuées des îles et deltas plats (Bangladesh, Égypte ), avec les conséquences alimentaires, sanitaires et géopolitiques que l'on imagine.

La validité des modèles climatiques a été testée avec succès sur: les variations connues de plusieurs climats régionaux ( en zones tropicales et subtropicales ) ; les aérosols du Pinatubo ; certains points de l'évolution passée des climats, au 20ème siècle en premier lieu; les conditions sur Mars et Vénus.

3) L'influence de l'homme sur le réchauffement

Le réchauffement observé au 20ème siècle (0,3ºC à 0,6ºC ) et surtout depuis 1955 (0,2ºC à 0,3ºC), une période qui a connu les décennies les plus chaudes depuis un millénaire ne peut s'expliquer uniquement par les variations naturelles du climat ("sortie du petit âge glaciaire"). La main de l'homme y est pour quelque chose.

4) Prévision 21ème siècle

Les prévisions sur l'évolution des climats régionaux au 21ème siècle, sont plus fragmentaires que celles sur la température globale et le niveau des mers.

Les points suivants sont assez bien acquis:

5) Variation diurne

Le réchauffement provoquera une réduction de la variation diurne (jour-nuit) des températures terrestres. L'observation bien nette de ce phénomène, ou de ceux énumérés dans 4), serait un signal peu contestable du prochain démarrage du réchauffement global.

6) Les potentiels d'effet de serre différés des GES

Alors que les potentiels d'effet de serre instantanés des divers GES sont bien connus de la Physique classique (voir A.3), le potentiel d'effet de serre à un horizon donné (20 ans, 100 ans, 500 ans) d'une masse d'un GES actuellement présente dans l'atmosphère est plus approximatif.

Il dépend en effet de l'efficacité des processus qui retirent ce gaz de l'atmosphère (les "puits" de CO2, de CH4, etc.).

Les durées de vie moyennes de ces gaz dans l'atmosphère ont été récemment révisées.



Malgré les incertitudes en B, tout ce qui a été dit en A et B a un fondement scientifique bien plus sérieux que tout ce que les économistes peuvent dire du coût de telle ou telle mesure de réduction des émissions de GES, ou des conséquences macro-économiques de l'adoption de taxes, comme l'écotaxe/énergie/carbone qui fut proposée en 1991 par la Commission de Bruxelles.

C. Ce qui reste sujet à controverses

1) La répartition des nuages

La répartition des nuages additionnels entre ceux qui réchauffent et ceux qui refroidissent (cf.A.6)

2) Modifications des circulations océaniques

Les modifications des circulations océaniques, en particulier du courant El Nin du Pacifique Sud, et leurs impacts climatiques.

3) Activation de la photosynthèse

Une plus grande abondance du C02 est a priori, "fertilisante", c'est-à-dire accroît la photosynthèse. Mais certaines plantes, dites C.3, y sont plus sensibles que d'autres, dites C.4. Surtout une photosynthèse accrue réclame de la vapeur d'eau et des éléments nutritifs dont on ne sait trop s'ils seront au bon endroit pour la végétation terrestre. Les possibles compétitions entre plantes plus abondantes doivent aussi être prises en compte. En tout cas on sait que les substances nutritives seront insuffisantes pour augmenter la photosynthèse du Phytoplancton marin.

4) CO2 contre CO2

Si une fertilisation accrue par le CO2 a lieu, elle pourrait certes aider en matière alimentaire ou énergétique. Il n'en résulte pas qu'elle accroisse beaucoup le "puits biologique" de CO2. En effet des températures plus élevées accroissent la respiration des plantes et du sol et donc les rejets de CO2. De plus, sauf dans le cas des arbres et de leur utilisation comme bois de construction, la biomasse additionnelle se transforme rapidement en déchets qui rejettent leur CO2 par combustion ou fermentation aérobie, ou du méthane en cas de fermentation an aérobie, ce qui est encore pire du point de vue de l'effet de serre.

5) Le devenir des glaces continentales

Gare à leur fonte !

6) L'évolution, par grandes régions des émissions d'oxyde de soufre, SO2.

En effet les aérosols qui en résultent ont une influence sur les climats régionaux. Cette évolution dépend des consommations de charbon et de fioul et des efforts de dépollution.

7) Évolution des CFC

Suite au protocole de Montréal sur la protection de la couche d'ozone, la fabrication des CFC cesse en 1996 dans les pays industrialisés. Mais qu'en sera-t-il des autres pays et des trafics clandestins de CFC ?

D'autre part, les CFC sont remplacés par des substituts , HCFC et HFC, qui , en général moins offensifs (au moins à long terme) pour la couche d'ozone, peuvent avoir des potentiels d'effet de serre du même ordre que les CFC classiques. Les meilleurs de ces deux points de vue semblent être le HCFC-123, le HFC-41 et le HFC-152a. Se limitera-t-on à eux ?

La reconstitution espérée de la couche d'ozone, d'un GES, provoquerait un accroissement de l'effet de serre qu'il faudrait comparer , à long terme, à la possible diminution de l'effet de serre découlant du passage des CFC à des substituts.



Pour conclure, malgré les incertitudes, les présomptions de changements climatiques sont sérieuses et le climat d'un lieu ne se limite pas à sa température.
Affirmer que l'accroissement de l'effet de serre donnera à Paris le climat de Toulouse est donc absurde (tout au plus, avec l'estimation basse des modèles climatiques, Paris pourrait avoir la même température moyenne qu'à Toulouse aujourd'hui ; mais quid des précipitations, des variations de la température, etc. ?).
De plus, par parisianisme plus ou moins conscient, ceux qui le disent ne se préoccupent pas de ce que deviendrait le climat de Toulouse !

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dernière mise à jour le 15.06.1996