Biodiversité: la faune et la flore en chute libre

Manuel Domergue
Alternatives Economiques Hors-série n° 086 - octobre 2010

La diversité des espèces continue de se dégrader rapidement, contrairement aux engagements pris par la communauté internationale en 2002.

L'érosion de la biodiversité est un péril écologique moins spectaculaire que la fonte des glaces ou une marée noire. Pourtant, la dégradation rapide de la diversité des espèces menace nos conditions de vie. Alors que selon les scientifiques, une espèce sur 50 000 s'éteint "naturellement" chaque siècle, ce rythme s'est emballé sous les effets de l'action humaine: il pourrait atteindre en 2050 un rythme de 100 à 1 000 fois supérieur.

La biodiversité - autrement dit l'existence de milliers d'espèces vivantes, animales ou végétales, et les interactions entre elles dans différents écosystèmes - nous rend pourtant d'inestimables services: dépollution de l'eau, fertilisation des sols, pollinisation des cultures, régulation du climat, résistance des systèmes agricoles aux caprices du temps, pharmacopée, ressources génétiques pour les biotechnologies, sans oublier la valeur culturelle et récréative de la diversité des paysages. Ce capital offert par la nature a une particularité: l'homme peut le dilapider, mais pas le reproduire artificiellement. Une fois qu'un écosystème a changé d'état, il est très difficile de le ramener à son état antérieur: c'est ce qu'on appelle le "point de basculement". D'où l'importance de préserver sans plus attendre ces systèmes naturels.

Le Sommet de la Terre de Rio de 1992 avait instauré une convention sur la diversité biologique, entrée en vigueur en 1993. Ce n'est que dix ans plus tard, en 2002, que les Etats signataires se sont engagés à réduire pour 2010, proclamée "année de la biodiversité", le rythme d'érosion de la biodiversité sur leur territoire. 170 pays se sont dotés à cette fin d'une stratégie de protection de la biodiversité. Mais à l'échéance, aucun des 120 Etats ayant fourni un bilan n'avait atteint son objectif. Il est vrai qu'infléchir la tendance impliquerait une sérieuse révision d'un modèle de croissance fondé sur la surexploitation de l'environnement.

Une érosion continue

L'indice planète vivante (*) , indicateur synthétique de l'évolution de la biodiversité animale à partir du suivi de milliers d'espèces, a baissé de 30% depuis 1970 au niveau planétaire, avec un déclin encore plus marqué dans les zones tropicales ou les eaux douces. La liste rouge (*) de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) précise les tendances par espèces: elles sont toutes négatives, avec une chute particulièrement rapide dans le cas des coraux ou des amphibiens. La recherche considère en outre que près du quart des espèces végétales sont menacées.

Evolution de l'indice planète vivante par zone, base 1 en 1970
Evolution de l'indice planète vivante par type de milieu, base 1 en 1970
Proportion d'espèces menacées en 2008 dans différentes grandes familles, en%

Les points chauds du globe

Le nombre de "zones mortes", zones marines côtières où le niveau d'oxygène a tellement baissé qu'il ne peut plus soutenir la plupart de la vie marine, a plus ou moins doublé chaque décennie depuis les années 1960. Un grand nombre de ces zones mortes, ou zones hypoxiques, sont concentrées aux embouchures des grands fleuves et sont le résultat d'une accumulation d'éléments nutritifs transportés depuis les zones agricoles situées en amont où l'on observe le lessivage des engrais dans les cours d'eau. Ces éléments nutritifs stimulent la croissance d'algues, qui à leur mort se décomposent sur le fond marin en consommant tout l'oxygène dissout, ce qui menace les ressources halieutiques, les moyens d'existence et le tourisme.

Les points chauds du globe

La lourde responsabilité des hommes

La destruction des espèces résulte de leur prédation directe par l'homme ou de la dégradation de leur habitat naturel. La richesse des milieux aquatiques est menacée à court terme, notamment par la surpêche. Pour les espèces terrestres, la destruction des habitats la plus criante est la déforestation, principalement liée à l'extension des terres agricoles. D'autres facteurs d'érosion de la biodiversité sont en cause, au premier rang desquels le dérèglement climatique ou encore l'agriculture intensive, qui standardise les écosystèmes, appauvrit les sols et pollue les cours d'eau.

Déforestation annuelle (en milliers de km2) et cumulée (en% de la superficie originelle estimée) de l'Amazonie brésilienne
Proportion des stocks de poissons à la limite de la surexploitation, surexploités ou épuisés, en%
Superficie des aires protégées dans le monde, selon les types de pays, en% des terres émergées et des eaux littorales (dans la limite des 12 miles nautiques)
En savoir plus

"Perspectives mondiales de la diversité biologique, 2010", secrétariat de la convention sur la diversité biologique (www.cbd.int/doc/publications/gbo/gbo3-final-fr.pdf).
"Rapport Planète vivante 2008", WWF (www.wwf.fr/pdf/1LPR_2008_FR.pdf).
"Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes", par Bernard Chevassus-au-Louis, Jean-Michel Salles et Jean-Luc Pujol, Centre d'analyse stratégique (www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_18_Biodiversite_web.pdf).
http://iucn.org: le site de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Manuel Domergue
Alternatives Economiques Hors-série n° 086 - octobre 2010

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