Extraits du monde 13 décembre 2009

La Chine et les Etats-Unis s'affrontent à Copenhague

Un jeune militant manifeste à Hongkong, le 12 décembre, contre le réchauffement climatique. ANTHONY DICKSON / AFP

Washington souhaite un engagement plus net de la part de Pékin Mobilisation des ONG environnementales et des coalitions altermondialistes

La Conférence sur le climat de Copenhague entre dans sa phase décisive. Un brouillon d'accord rédigé par le diplomate maltais Michael Zammit Cutajar a été distribué aux délégués. Par la voix de leur chef de délégation, Tod Stern, les Etats-Unis ont fait savoir qu'il s'opposeraient à ce projet d'accord tant que les pays en voie de développement ne s'impliqueraientpas davantage dans la prévention du changement climatique. Réplique immédiate du délégué chinois : " Ce gentleman manque de sens commun ou est extrêmement irresponsable. "

En marge de ces négociations, 522 organisations de 67 pays devaient manifester, samedi 12 décembre, à Copenhague sur le thème " Changer le système, pas le climat ". Aux associations écologistes traditionnelles devaient se joindre des organisations altermondialistes et anticapitalistes. Dans un entretien au Monde, la chercheuse Sylvie Ollitrault décrypte les spécificités de la mobilisation suscitée par le sommet de Copenhague.

Le climat, la dette, l'âme

Blork émergea de la lecture du Traité de philosophie morale, de Wasserchinzegoten, totalement inconnu, il faut bien le dire, et dont l'existence même est niée par les érudits. Ouvrant l'oreille aux bruits du monde, Blork apprit que celui-ci s'intéressait fort aux activités organisées dans un petit royaume nordique autour du changement climatique.

Sacré Blork ! En un éclair, il parvint au coeur des discussions. De quoi s'agit-il, pensa-t-il ? De justice et de responsabilité collectives. Avec deux particularités par rapport à l'approche usuelle : la justice doit être planétaire ; la responsabilité doit être intergénérationnelle.

Ainsi, les pays du Sud insistent sans relâche sur " la responsabilité historique des pays du Nord ". Durant leur développement industriel au long des XIXe et XXe siècles, ceux-ci ont émis des quantités énormes de gaz carbonique. D'où la notion de " dette climatique " : c'est, explique l'écologiste Muttiah Yogananthan, " la dette que doivent les pays du Nord aux pays du Sud, et qui correspond à leur excédent d'émissions ".

Selon l'Agence internationale de l'énergie, citée dans le numéro de novembre de L'Usine à GES, les Etats-Unis sont responsables de 30 % des émissions cumulées de gaz carbonique entre 1900 et 2005, l'Union européenne de 23 %, la Chine de 8 %, le Japon de 4 %, l'Inde de 2 % et le reste du monde de 33 %. Etats-Unis et Europe comptent donc pour plus de la moitié.

Il n'y a pas là une querelle d'experts, mais un enjeu moral : " Les pays riches doivent payer pour leurs péchés ", dit ainsi un Ougandais, Fred Machulu Onduri. " Nous reconnaissons absolument notre rôle historique dans l'injection d'émissions dans l'atmosphère, mais je rejette catégoriquement un sentiment de culpabilité ou de réparation ", répond Todd Stern, le représentant des Etats-Unis à Copenhague. La veille, le Chinois Yu Qingtai appelait les Occidentaux à " fouiller leur âme ".

Péché ? Culpabilité ? Ame ? C'est ce dont on discute à Copenhague, conclut Blork, qui se rappela que le terme de " querelles byzantines " désignait les importantes discussions théologiques qui agitèrent l'Empire romain d'Orient.

Mais l'argument du Sud pèche sur le plan moral : un Occidental d'aujourd'hui est-il responsable des actes de son grand-père ? Et que peut-on reprocher au grand-père, qui n'avait aucune idée de ce qu'était l'effet de serre ?

Le Nord reste coi, cependant, car le visage que présente la génération actuelle n'est pas défendable : surconsommation, inégalités et domination d'une oligarchie financière essentiellement cupide.

Les petits-enfants ne peuvent payer pour les fautes hypothétiques des grands-parents. En revanche, ils sont responsables de leur situation présente. Qu'ils la changent - c'est-à-dire acceptent l'unification planétaire des conditions de vie, donc la baisse de leur propre consommation matérielle !

Hervé Kempf

Le sommet vire au duel entre les Etats-Unis et la Chine

Des militants français partent pour Copenhague, gare du Nord, vendredi 11 décembre. MARTIN BUREAU/AFP PHOTO

Copenhague envoyé spécial: Un projet d'accord tente une synthèse entre le projet danois et les positions défendues par les pays en développement

La conférence sur le climat de Copenhague est entrée, vendredi 11 décembre, dans une phase décisive, avec l'acceptation implicite par tous les pays d'une base de discussion : le matin, avait été distribué aux délégués des 191 parties à la Convention un " brouillon " (draft text). Rédigé par le diplomate maltais Michael Zammit Cutajar, le texte fait une synthèse des positions publiées dans la semaine, un projet danois reflétant l'approche des pays du Nord et un projet des pays du Basic (Brésil, Afrique du Sud, Soudan, Inde et Chine) exprimant celle du Sud.

Le texte de M. Cutajar prend pour base la continuation du protocole de Kyoto. Il indique que l'on " devrait " limiter la hausse de la température de la planète à 2° C ou à 1,5° C (le choix est laissé à la discussion). Il propose de se fixer un objectif global de réduction des émissions en 2050, plusieurs options étant ouvertes : - 50 %, - 85 %, - 95 %. Les pays développés " devraient " limiter les leurs d'ici à 2050 d'une valeur comprise entre - 75 % et - 95 %, et d'ici à 2020 d'une valeur allant de - 25 % à - 40 %. Quant aux pays en développement, ils viseraient " à atteindre une substantielle déviation de leurs émissions " de - 15 % à - 30 % d'ici à 2020. Sur la question des financements de l'aide aux pays les plus pauvres, le document ne s'avance pas sur les montants ou l'architecture, mais inscrit un mécanisme immédiat (" fast start ") d'aide aux plus pauvres pour 2010-2012.

Si le texte constitue maintenant la base de discussion, cela ne signifie pas que l'accord est certain. Les Etats-Unis ont réagi par la voix de Todd Stern, le chef de leur délégation, qui a jugé que la partie sur les engagements des pays du Sud " ne constituait pas une base de négociation. (...) Les Etats-Unis n'iront pas à un accord sans que les plus grands pays en développement s'impliquent et prennent des actions réelles ". Sans prononcer le mot de " contraignant ", Washington attend un engagement plus net de la part des grands émergents, la Chine en particulier.

Effacement de l'Europe

Sans répondre directement, le représentant chinois s'est cependant montré acerbe à l'égard des Etats-Unis. En référence à une déclaration antérieure de Todd Stern, selon laquelle Pékin ne devait pas s'attendre à une aide financière, en raison de sa prospérité, He Yafei, vice-ministre des Affaires étrangères a déclaré : " Je pense que ce gentleman est ignorant. Il manque de sens commun ou est extrêmement irresponsable. "

Cet échange montre que la conférence se focalise sur la relation Chine-Etats-Unis. L'annonce par l'Europe d'une aide de 7,2 milliards d'euros sur trois ans, vendredi, n'a pas suscité un accueil très chaleureux. " C'est non seulement insignifiant, mais ça nourrit encore plus la défiance sur les intentions des leaders de l'Union européenne ", a jugé le délégué soudanais Lumumba Stanislas Dia-Ping, dont le pays préside le G77.

" Ce dont on parle, c'est du court terme et ça ne suffit pas. (...) Que ferons-nous dans trois ans ? ", a également lancé He Yafei. Aucune réponse claire n'est venue du camp européen, singulièrement effacé dans cette conférence, alors qu'il était habituellement très actif. Il semble observer le duel entre Etats-Unis et Chine, celle-ci s'appuyant sur le G77 qui la reconnaît comme son porte-parole.

Comme le résume Yvo de Boer, secrétaire de la Conférence, " la discussion sérieuse sur les finances et sur les objectifs d'émissions a commencé ". Les ministres vont entrer en scène dès dimanche : la présidence danoise les réunit à l'écart du Bella Center pour discuter du texte, et tenter d'accommoder les positions avant l'arrivée des chefs d'Etat, en fin de semaine.

Le sommet pourrait se transformer en un duel Sud contre Etats-Unis, l'Europe ayant à choisir son camp. Rupture ? Accord ? Les jeux restent plus ouverts que jamais.

Hervé Kempf

" L'influence des ONG passe davantage par le lobbying "

La chercheuse Sylvie Ollitrault explique comment la question climatique est devenue politique

ENTRETIEN

Plusieurs dizaines de milliers de manifestants devaient défiler samedi 12 décembre dans Copenhague pour rappeler aux représentants des 192 pays qui participent à la négociation climatique que la société civile attend un accord ambitieux et équitable.

A la différence de la grande manifestation contre l'Organisation mondiale du commerce à Seattle en 1999, ils ne descendent pas dans la rue pour s'opposer à la logique d'une institution mais pour inciter à l'action. " Le changement climatique tue. Agissez maintenant, sauvez des vies ", le slogan d'Oxfam international résume le sentiment d'urgence que partagent les organisations non gouvernementales.

Chercheuse au CNRS, Sylvie Ollitrault décrypte la place singulière que gardera Copenhague dans l'histoire des mobilisations citoyennes. Elle a publié Militer pour la planète (éd. PUR/Res Publica, 2008).

Le sommet de Copenhague serait-il cet événement planétaire sans la mobilisation des ONG ?

Je ne le crois pas. Copenhague serait probablement resté, comme tous les sommets sur le climat jusqu'à présent, un rendez-vous d'initiés. Même la conférence de Kyoto, en 1997, où fut adopté l'accord qu'il faut aujourd'hui redéfinir, n'avait pas suscité d'intérêt au-delà du mouvement environnementaliste.

Depuis deux ans, les ONG travaillent à faire de Copenhague un rendez-vous placé sous les regards de l'opinion mondiale. Bien sûr, la médiatisation de l'événement ne tient pas uniquement à leurs campagnes. L'attribution du prix Nobel de la paix au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et à l'ancien vice-président américain Al Gore ont sensibilisé l'opinion à la question climatique. Mais les ONG ont su vulgariser une question technique et difficile. La communication avec l'expertise est devenue leur arme. Et cela leur a permis de capter l'attention des médias en construisant un argumentaire crédible sur la crainte du réchauffement.

Pensez-vous que ce sommet fera date dans l'histoire des mobilisations pour l'environnement ?

Certainement. Jusqu'à présent, les campagnes pour la défense de l'environnement mobilisaient surtout lorsqu'il y avait une menace immédiate, une marée noire par exemple, pour la population. La question climatique balaie ce schéma. Elle est devenue l'occasion de mettre en avant d'autres sujets comme l'érosion de la biodiversité ou la déforestation et d'aller au-delà de l'écologie traditionnelle en posant la question des rapports Nord-Sud, de la justice sociale...

A Copenhague, les plus anciennes ONG de conservation de la nature côtoient les associations humanitaires et des mouvements altermondialistes. Cette convergence s'est produite en pleine crise économique mondiale parce que certains mouvements ont proposé une grille de lecture plus globale et plus politique, faisant le lien entre les différentes crises : économique, sociale, écologique...

Ces mobilisations de masse peuvent-elles avoir une influence sur les négociations ?

L'influence des ONG passe davantage par le lobbying permanent qu'elles exercent sur les décideurs. Et celui-ci n'a pas cessé depuis la première conférence mondiale sur l'environnement en 1972. Copenhague s'inscrit dans cette continuité. Les ONG les plus radicales ne sont pas les plus entendues. Les grandes associations anglo-saxonnes comme WWF ou Conservation International, qui ne condamnent pas, loin de là, le capitalisme et le marché, gardent une plus grande influence.

Propos recueillis par Laurence Caramel

 

Une mobilisation militante à l'ampleur inédite

Copenhague Envoyé spécial: des manifestants issus de 67 pays vont défiler pour exiger " un bon accord " sur le climat

Pour Jorn Andersen, moustache et cheveux poivre et sel, le succès est déjà au rendez-vous : " 522 organisations de 67 pays ont appelé à la manifestation de samedi. Ce sera le plus grand rassemblement au Danemark depuis les protestations contre la guerre en Irak ". M. Andersen est un des militants danois qui préparent depuis des mois ce qui sera sans doute la mobilisation la plus importante jamais vue sur le changement climatique.

La manifestation devait partir en début d'après-midi de la place du Parlement, au centre de la capitale danoise, pour rejoindre le Bella Center, à six kilomètres, où se tient la Conférence sur le climat des Nations unies. Le mot d'ordre : " changer le système, pas le climat " (system change, not climate change). Multicolore et internationale, elle réunit les associations écologistes traditionnelles (Greenpeace, WWF, etc.), mais aussi le mouvement altermondialiste réuni dans la coalition Climate Justice Now, et une coalition plus nettement anticapitaliste, Climate Justice Action.

" Justice climatique "

Ce rassemblement marque l'élargissement de la question climatique au-delà de l'environnement, jusqu'aux questions économiques et sociales. Pour Christophe Aguiton, d'Attac, " le premier enjeu est d'obtenir un bon accord, qui reconnaisse la responsabilité historique des pays du Nord, qui n'introduise pas les mécanismes de marché dans le changement climatique, qui trouve des ressources pour le Sud. Mais il y a un deuxième enjeu : que les mouvements sociaux s'impliquent dans cette bataille pour exiger la justice climatique ".

Depuis deux jours, les militants arrivent par train, auto ou bus, logeant en appartements communautaires, dans des entrepôts aménagés, chez des amis, voire dans des caravanes. Leurs motivations sont diverses. Pour Corrina Cordon, venue de Londres, " la croissance n'est plus possible, on attend de la manifestation que le public puisse dire qu'il faut faire quelque chose pour que ça change ". Jonas Schnor, étudiant danois en théâtre, pense que " la façon dont nous vivons est mauvaise pour la planète, nous devons changer. Moi, je vivrai avec moins de consommation que mes parents ". Karine Plantier est venue de Nantes dans un bus alimenté à l'huile de tournesol. Elle vient " dénoncer " le projet d'aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

Si les Européens domineront la manifestation, la conférence de Copenhague suscite un intérêt planétaire exceptionnel. " La couverture de l'événement est très importante au Brésil, dit Andrea Fran, un journaliste brésilien, il y a même une télé qui fait une émission d'une heure par jour sur ce qui s'y passe. "

Quel impact la manifestation aura-t-elle sur la négociation ? Elle appuiera nettement la position des pays du Sud, dont elle reprend nombre de revendications. Et le mouvement continuera pendant la semaine. Lundi, le mouvement No Border prévoit une manifestation en défense des réfugiés climatiques, tandis que, mercredi 16, Climate Justice Action veut intervenir à l'intérieur même du Bella Center.

H. K.

Marche australienne

En parallèle de la manifestation dans la capitale danoise, une " marche contre le réchauffement " a mobilisé 40 000 personnes dans les grandes villes d'Australie. Ce pays, grand exportateur de charbon, est aussi l'un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre par habitant.

Pessimisme africain

Le premier ministre éthiopien Meles Zenawi, qui va représenter les 53 Etats membres de l'Union africaine à la conférence sur le climat, s'est dit pessimiste sur la possibilité d'un accord.

" Un échec à Copenhague serait un échec pour l'Afrique ", a-t-il estimé.

7, 2 milliards d'euros en trois ans.

C'est le montant que les chefs d'Etat et de gouvernement européens sont prêts à débourser pour aider les Etats les plus pauvres à faire face aux conséquences du réchauffement climatique. Les pays du G77 estiment cette somme " insignifiante ".

Agnès B. : " Il n'est plus possible de tout faire fabriquer en France "

ENTRETIEN

Agnès B. a attiré très tôt l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés des façonniers français. Elle explique sa façon de défendre le " made in France ".

Quelle est la part de vos vêtements qui sont fabriqués en France ?

Près de 37 % de nos volumes de vente pour une valeur d'achat de 57 %. Nous sommes les seuls à se situer à un tel niveau d'engagement. Nous travaillons, parfois depuis vingt-cinq ans, avec neuf usines françaises qui occupent au total 500 personnes. Pour certains façonniers comme TAT - tricotage - , près de Toulouse, nos commandes représentent plus de 50 % du chiffre d'affaires. Nos tee-shirts rayés sont fabriqués à Troyes. Les robes, les jupes, les pantalons, les manteaux dans les Pays de la Loire.

Mais quand vous avez démarré, tout était fabriqué en France...

Aujourd'hui, il n'est plus possible de faire fabriquer en France des jeans ou des costumes pour hommes. Il n'y a plus d'ateliers pour cela. Tout doit être fait en Italie, en Roumanie pour les costumes, au Maroc pour les jeans. En France, deux des ateliers avec lesquels nous travaillions ont fermé, car ils n'avaient plus assez de commandes. Je n'ai jamais été de celles qui ont délocalisé pour gagner plus d'argent. Au contraire, j'ai toujours freiné pour que l'on continue à fabriquer en France. Même si une minute de confection coûte 70 fois plus cher qu'en Thaïlande. On aurait gagné 3 millions d'euros de plus par an si tout avait été délocalisé. En Asie, où nous réalisons plus de 60 % de notre chiffre d'affaires (sur 248 millions d'euros en 2008), les clients sont demandeurs du label Made in France.

Où faites-vous confectionner ce qui ne l'est plus en France ?

En Chine, pour les pulls en cachemire et en soie, parce que les matières premières se situent là-bas. Pour la même raison, c'est au Pérou qu'est confectionné l'alpaga. A l'île Maurice, où ils ont acquis un savoir-faire dans le tricot. Les Japonais préfèrent les jeans fabriqués chez eux. Et les chaussures sont faites en Espagne, en Italie ou au Maroc car il n'existe plus de fabricants en France.

Que pensez-vous de l'idée du ministère de l'industrie de demander aux donneurs d'ordre de s'engager sur un niveau de fabrication dans l'Hexagone ?

J'espère qu'ils vont s'engager, même si ce n'est pas simple. Ce n'est qu'un début, une prise de conscience.

Propos recueillis par Nicole Vulser

 

URANIUM, L'HÉRITAGE EMPOISONNÉ

Autour de la mine d'uranium d'Arlit, au Niger, exploitée par une filiale d'Areva, des puits d'eau ont dû être fermés, contaminés par la radioactivité.

PUBLIC SÉNAT 9.00 DOCUMENTAIRE LES DÉGÂTS DE L'EXTRACTION DE L'URANIUM EN AFRIQUE

L'énergie nucléaire connaît un regain de popularité, présentée par certains comme une énergie plus " propre " que le charbon et plus pérenne que le pétrole qui est, lui, en voie d'extinction. Pourtant, placé au coeur de cette énergie, l'uranium peut provoquer de lourds dégâts environnementaux et humains lors de son extraction.

Fruit d'une enquête au Gabon et au Niger, reprenant des éléments déjà mis au jour par certaines associations africaines et européennes dès la fin de 2003 (Le Monde du 23 décembre 2003), le documentaire de Dominique Hennequin vient rappeler le tribut payé par les employés des filiales du groupe nucléaire Areva et par les populations riveraines autour des mines d'uranium au Gabon et au Niger.

DES MAISONS CONSTRUITES AVEC DES MATÉRIAUX RADIOACTIF

S AU GABON

Au Gabon, la mine à ciel ouvert de Mounana, exploitée par la Comuf, filiale du groupe français, a été fermée en 1999, tout comme l'usine de traitement qui y était associée. Mais les habitations de la cité où vivaient les cadres de la filiale d'Areva portent encore les traces d'une forte radioactivité. Pour la plus grande crainte des Gabonais qui y habitent et sont exposés aux rayonnements, sans véritable information sur le problème. Les maisons ont été en partie construites avec des matériaux radioactifs, et dans la forêt proche, des points d'eau font crépiter les compteurs Geiger.

Même situation critique au Niger, autour de la mine souterraine d'Arlit, exploitée par une autre filiale d'Areva. Les boues issues du traitement des roches sont entassées à ciel ouvert et, aux alentours, des puits d'eau ont dû être fermés.

Face à ces débats, des ONG se sont mobilisées pour pousser Areva à reconnaître l'ampleur du problème humain. A l'issue de six ans de négociations, menées par Sherpa, un réseau international de juristes, et par Médecins du monde, le groupe industriel français a accepté la création d'observatoires de la santé autour des sites miniers exploités. Sans toutefois reconnaître officiellement sa responsabilité.

Malgré ces problèmes humains et les récriminations des associations, la course à l'uranium ne ralentit pas pour Areva comme pour ses concurrents. L'industriel devrait commencer à exploiter le gisement d'Imouraren en 2012, au Niger toujours. Sur ce site, les responsables du groupe nucléaire français assurent mettre en place les systèmes nécessaires pour éviter une exposition de ses employés à des doses de radiation nocives. Reste à voir l'impact de cette nouvelle mine sur le long terme.

Bertrand d'Armagnac