Les origines et l'évolution de la vie expliqués parJean Marie Pelt

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Il y a 4 milliards d'années, les océans encore chauds forment une sorte d'épais potage de molécules plus ou moins complexes et qui commencent à s'agencer les unes aux autres pour former les tout premiers êtres vivants. C'est au sein de cette soupe que la vie va évoluer durant les 9/10e de sa durée; autrement dit, dans les océans. Elle ne conquerra la Terre que beaucoup plus tard, tout récemment, pourrait-on dire. En prenant pour étalon de la durée totale du processus la valeur d'une année, si la vie commence dans les mers un 1er janvier, elle n'entreprendra la conquête des continents que vers le 20 novembre.

C'est l'explosion du Cambrien il y a 500 millions d'années.

Et l'homme n'apparaîtra que le 31 décembre! Concentrons-nous sur cette « soupe chaude » — pour reprendre l'expression du grand biologiste Haldane — où la vie finira par s'imposer après quelques dangereux « ratés ». En réalité, elle aura eu chaud!

Tout commence donc par une génération spontanée de microbes dans cette fameuse soupe chaude des origines. Avec, comme de minuscules grains de vermicelle ou de tapioca, les tout premiers êtres vivants, encore fort simples et fort peu sophistiqués! A partir de là, la vie à peine enclenchée va frapper trois coups. Et lorsque le rideau se lève, c'est la nature - les espèces végétales et animales - telle que nous l'observons aujourd'hui que nous découvrons.

Première préoccupation pour les premiers êtres vivants : se nourrir! C'est-à-dire recharger ses batteries ; et, pour cela, un seul moyen, une seule potion magique : utiliser l'énergie concentrée dans l'ATP (adénosine triphosphate ) — une molécule qui s'est abondamment formée dans la soupe. Cette A.T.P., c'est un peu comme l'uranium des centrales nucléaires : on casse un atome d'uranium et cela dégage une très forte énergie. De même, on casse une molécule d'ATP et elle dégage de l'énergie. Mais une fois cassée, l'ATP — qui est devenue de l'ADP (adénosine diphosphate) en libérant un phosphate — ne donne plus d'énergie du tout! Cette merveilleuse pile énergétique est « à plat ». C'est bien connu des spécialistes du sport.

Les premiers êtres vivants vont donc entreprendre la course à l'ATP Voraces, ils se précipitent tous sur cette mystérieuse et magnifique machine énergétique et, bien entendu, la soupe primitive s'appauvrit peu à peu en ATP Bientôt, la situation devient angoissante, critique ; la vie connaît sa première crise ; une ressource essentielle commence à manquer. Première crise de l'énergie, bien avant les chocs pétroliers des années 1970!

Une seule solution : recharger au plus vite les molécules d'ADP pour en refaire de l'ATP, exactement comme on recharge une batterie! Mais il n'y a pas de secret : pour charger une batterie, on la branche sur le secteur ; pour recharger l'ATP, comment faire ? quelles sources d'énergie utiliser ?

La vie invente alors son premier « grand coup » : elle va utiliser du sucre, présent en abondance dans la soupe, pour recharger l'ATP Ces molécules de sucre se sont formées dans l'atmosphère primitive et sont tombées dans la soupe avec la pluie. La soupe est donc sucrée. Et la transformation des sucres pour recharger l'ADP est une pratique encore courante aujourd'hui, puisque nous la connaissons tous sous le nom de fermentation. La fermentation transforme les sucres en alcool, avec dégagement de gaz carbonique et production d'énergie ; c'est cette énergie-là qui va servir à recharger les ADP en ATP

Ainsi la soupe fermente-t-elle en dégageant des bulles de gaz carbonique, exactement comme on les voit se former sous forme d'une écume à la surface des cuves de raisin, de bière, ou des tonneaux de fruits destinés à faire de l'eau-de-vie. Ce gaz carbonique, se dégageant de l'océan, s'accumule dans l'atmosphère et la transforme peu à peu ; dans le même temps, l'alcool s'accumule dans la soupe qui fermente comme n'importe quelle matière sucrée. Bref, la soupe se transforme en eau-de-vie et tout se passe comme si la nature « se soûlait »... Ou encore, en dégageant massivement du gaz carbonique, comme si elle « respirait »...

Mais les mêmes causes produisent généralement les mêmes effets, et c'est le sucre qui commence maintenant à manquer : plus la soupe s'alcoolise, moins elle est sucrée. C'est la deuxième grande crise de l'histoire de la vie! Une grande famine en quelque sorte, bien avant celle d'Éthiopie et du Sahel... Et la vie se dit alors : maintenant ça suffit! On ne va tout de même pas naviguer ainsi de crise en crise à perpétuité. Il faut inventer autre chose! La vie réplique en inventant un deuxième « gros coup » : parmi les nombreuses molécules déjà présentes dans les océans, elle en distingue une : la verte chlorophylle. Cette chlorophylle, elle va l'utiliser pour refabriquer du sucre, relevant le défi de la première grande famine. Car il se fabriquait moins de sucre par génération spontanée dans l'atmosphère qu'il ne s'en consommait par fermentation dans la soupe. Il fallait donc au plus vite combler ce déficit. La chlorophylle allait permettre cette opération de manière géniale.

Voici donc la recette inventée pour fabriquer des sucres. Vous prenez dans l'océan ce qui y manque le moins : de l'eau, tout simplement. Vous prenez dans l'atmosphère le déchet de la fermentation qui vient de s'y accumuler abondamment : du gaz carbonique. Vous mélangez ces deux ingrédients et vous exposez le tout à la lumière solaire. Afin de concentrer ce rayonnement, vous utilisez un capteur solaire : la géniale molécule verte de chlorophylle. Celle-ci concentre en effet l'énergie solaire et permet à l'eau et au gaz carbonique de se combiner pour former du sucre.

Naturellement, comme toute réaction chimique, celle-ci a son déchet : de l'oxygène. Cet oxygène va à son tour se dégager dans l'atmosphère dont lacomposition chimique change à nouveau. Non seulement elle change quantitativement, mais elle change aussi qualitativement. Car les rayons ultraviolets du Soleil vont agir sur l'oxygène et en transformer une partie en ozone. Cet ozone, à son tour, décomposera les rayons solaires, ce qui entraînera le bleuissement de l'atmosphère. La Terre, jusque-là entourée d'une épaisse atmosphère grise et brumeuse, voit le ciel bleuir. Bref, c'est la verte chlorophylle qui engendre le bleu du ciel.

La Terre, la planète bleue, l'« oasis de l'Univers », doit à ses plantes chlorophylliennes le privilège unique de ces ciels d'azur, inconnus de toute autre planète. Sur la Lune, le ciel est noir et l'atmosphère absente! Sur Vénus, il est gris et l'atmosphère épaisse et irrespirable!

Cet habile procédé de synthèse des sucres grâce à la chlorophylle et à la lumière, c'est la photosynthèse. Privilège des plantes vertes, car le premier être chlorophyllien — le premier être à avoir effectué la photosynthèse — est aussi la toute première plante. Elle s'est élaborée au sein de la soupe ; elle apparaît déjà dans les fossiles calcaires de Rhodésie il y a plus de trois milliards d'années!

Dès lors que le processus de photosynthèse est enclenché, la vie devient autonome ; elle se régénère spontanément à partir de l'eau et du gaz carbonique que les plantes transforment abondamment en sucres. La betterave et la canne à sucre ne font qu'exagérer, si l'on peut dire, ce processus, au point qu'il devient aisément perceptible à notre palais.

Désormais, la vie, en fabriquant directement la matière vivante à partir de l'eau, du gaz carbonique et de l'énergie solaire, n'a plus besoin d'élaborer ses molécules par génération spontanée dans l'atmosphère primitive. Il n'y a d'ailleurs plus d'atmosphère primitive : l'accumulation de gaz carbonique et d'oxygène a radicalement transformé cette atmosphère, devenue dès lors respirable, puisque riche en oxygène, ce qui rend possible l'invention par la vie de son troisième grand coup : la respiration!

Car la photosynthèse, on l'a vu, produit en très grande abondance un déchet : l'oxygène. Et ce déchet est dangereux pour les microorganismes qui vivaient jusque-là en milieu non oxygéné, anaérobie, et qui n'ont plus qu'une solution de repli : fuir et s'enfoncer dans les vases du fond des mers, un peu comme nous serions contraints de le faire si l'atmosphère était massivement contaminée par le rayonnement radioactif consécutif à un conflit nucléaire... Pour eux, c'est la fuite éperdue dans des abris sous-marins, loin de cette molécule toxique et caustique qu'est pour eux l'oxygène.

Mais d'autres êtres s'avisent que cet oxygène est en définitive tout à fait fréquentable! Bien mieux, ils s'avisent même que cet oxygène peut les dispenser, en le réabsorbant, de faire la photosynthèse, par lequel ils le dégageaient. Ils vont faire une sorte de photosynthèse à l'envers... Puisant l'oxygène dans l'air, ils vont le recombiner aux sucres en les décomposant, dégageant du même coup l'énergie que la photosynthèse y avait accumulée en la captant dans le Soleil, et dégageant également le gaz carbonique que la photosynthèse avait utilisé pour faire les sucres. Cette énergie, ils vont s'en servir pour accomplir les petites et grandes tâches de la vie! Ces êtres — on les aura reconnus — sont les ancêtres des animaux et, naturellement, les animaux eux-mêmes. C'est aux plantes qu'ils empruntent leur nourriture et cette nourriture, ils l'utilisent par la respiration comme source énergétique, ce qui leur confère une grande autonomie par rapportà la source primordiale qu'est le soleil : troisième invention géniale de la vie!

La vie, on le voit, réussit chaque fois ses coups en recyclant ses propres déchets. L'ADP est rechargé par la fermentation du glucose et la première crise énergétique est ainsi jugulée. Le sucre, décomposé par la fermentation, est remplacé et renouvelé par la photosynthèse, et la première grande famine est ainsi évitée. Le gaz carbonique nécessaire à la photosynthèse est régénéré par la respiration, et apparaissent ainsi les animaux, en équilibre avec les végétaux, préfigurant tous les grands équilibres de l'écologie!

La vie réussit à durer parce qu'elle surmonte ses crises en recyclant et en réutilisant ses déchets. C'est là une préoccupation qui ne nous est guère familière, d'où le risque d'épuisement des ressources de la planète tant dénoncé par les écologistes. C'est l'honneur de ces derniers d'avoir à protéger et à promouvoir la vie ; c'est leur devoir de faire connaître au public, aux techniciens, aux responsables, aux scientifiques d'autres disciplines, comment marche la vie D. Car nous vivons en son sein, nous fonctionnons comme elle, et ignorer ses lois, c'est courir au suicide!

Suite: les origines de la vie selon les mythes...

S'interrogeant sur l'opposition qui peut exister entre la science depuis Darwin, Mendel, l'ADN et la biologie moléculaire et les mythes des religions, et notamment les créationistes aux USA, Jean Marie Pelt en traite dans la suite du chapître.

Dans toutes les mythologies, un acte créateur est à l'origine de l'homme et de la nature. L'idée qu'il n'y aurait point eu de commencement leur est étrangère. Mais dès lors qu'elles s'accordent sur le principe d'un commencement, il reste à savoir comment les choses se sont passées. Là encore, il y a accord sur les principes : cet acte créateur est toujours celui d'une divinité transformant telle ou ....

Voir "Dieu et les religions".


Mis en ligne le 23/12/2007 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) sites web http://paysdefayence.blogspot.com et http://pierreratcliffe.blogspot.com