Rapport de la commission Pébereau
la France face à sa dette:
Introduction

Depuis vingt-cinq ans, la dette des administrations publiques augmente sans cesse : entre 1980 et 2004, elle a été multipliée par cinq et a atteint, en 2004, 1 067 milliards d’€. À la fin de l’année 2005, elle aura encore augmenté de plusieurs dizaines de milliards d’€. Et l’État a en plus d’autres engagements, qui n’apparaissent pas dans le montant de la dette mais qui sont pourtant réels. Le plus important d’entre eux concerne la retraite de ses agents, qu’il s’est engagé à financer.

En apparence, tout ne va pourtant pas si mal. La France fait toujours partie des pays les plus riches du monde. Chaque année depuis vingt-cinq ans, sa richesse augmente, ce qui permet à notre pays de disposer d’équipements publics de qualité et d’un niveau de protection sociale parmi les plus élevés au monde. Certains considèrent même qu’on devrait augmenter le niveau de la dette pour améliorer encore notre niveau d’équipements publics et de protection sociale.

Vue de plus près, la situation est en réalité très préoccupante. La dette est en effet depuis vingt-cinq ans une échappatoire qui permet de reporter sans cesse l’adaptation de nos administrations publiques et de répondre à tous les problèmes, particulièrement aux questions de société, par de nouvelles dépenses. La situation de nos finances publiques révèle ainsi des dysfonctionnements profonds de notre appareil administratif et, au-delà, les graves faiblesses de nos pratiques politiques et collectives.

Tant que des réformes n’auront pas été engagées, il n’y a pas de raison que ces comportements changent. Or, notre pays a à relever de nombreux défis économiques et sociaux : sortir enfin de vingt-cinq années de chômage de masse, accélérer la croissance économique et assurer la solidarité de sa population en dépit du vieillissement.

Ce n’est pas en poursuivant l’augmentation de la dette que nous pourrons relever ces défis.

Au contraire, avec une dette de plus en plus lourde, notre économie les aborderait dans une situation de fragilité croissante et nos administrations publiques n’auraient pas les marges d’action nécessaires pour y répondre.

En définitive, la dette non seulement nous empêcherait de renforcer notre niveau de vie et de cohésion sociale, mais serait même un obstacle à leur maintien à leur niveau actuel. Nos régimes sociaux, et notamment notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés, supporteraient un risque inconsidéré. Les générations futures, qui auront à financer les retraites de la génération très nombreuse qui les aura précédées, ne pourraient pas en effet assumer en plus la charge d’une dette trop lourde.

Face à cette situation, on pourrait considérer qu’il y a deux possibilités : continuer à nier le problème, ou l’assumer et en tirer les conséquences. En réalité, il n’y a pas d’alternative. Persister à nier le problème ne serait pas seulement une erreur, mais un comportement coupable.

Il faut donc enfin avoir le courage de ne plus céder à la facilité de la dette.

Pour réduire notre niveau d’endettement, l’action publique devrait nécessairement avoir pour objectif de revenir à l’équilibre dans les cinq prochaines années. Cet objectif est parfaitement réaliste, mais il suppose qu’une nouvelle conception de l’action publique, tournée vers l’efficacité des dépenses publiques, soit résolument adoptée.

Les solutions préconisées par la Commission ne limitent pas le champ de l’action publique dans les années à venir. Au contraire, leur mise en oeuvre restaurerait des marges de manoeuvre et ouvrirait de nouvelles perspectives aux pouvoirs publics, qui pourraient les mettre au service de nos ambitions de croissance et de solidarité.

Ces solutions ne sont tributaires d’aucun courant de pensée. Elles sont le fruit d’une commission pluraliste. Elles ne préjugent pas l’utilisation que feront les parlements et les gouvernements futurs de ces nouvelles marges de manoeuvre. Elles ne sont ni de gauche ni de droite. Elles sont dans l’intérêt de tous les Français.


Mis en ligne le 25/11/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)