Réchauffement climatique

entretien avec Claude Allègre par Gérald Olivier
Notes de lecture sur ces propos
Spectacle du Monde Mai 2007

Agrégé de physique, ministre de l'Education nationale et de la Recherche de 1997 à 2000, auteur de nombreux ouvrages, et de chroniques régulières dans les grands médias français et étrangers, Claude Allègre conserve, à soixante-dix ans, ses positions tranchées et son franc-parler.

La publication dans l'hebdomadaire « l'Express », en septembre 2006, d'une chronique où il exprimait ses doutes sur la réalité du réchauffement climatique, avait déchaîné à son encontre une vigoureuse campagne de presse. Voir controverse sur le réchauffement climatique. En réalité, Claude Allègre, comme Spectacle du Monde, font écho à la contestation qui monte au sein de la communauté scientifique, sur les méthodes et les conclusions de l'IPCC. "Global warming hoax" ou l'imposture du réchauffement climatique. Cette contestation a donné lieu au film "the global warming swindle". Voir ce film (anglais). Et aussi celui-ci.

La contestation porte non sur le réchauffement climatique, mais sur le fait qu'on l'attribue au CO2 et à l'activité économique humaine et qu'on veuille faire régresser l'humanité condamnant les pays développés à la récession et les pays sous développés, notamment l'Afrique à rester dans le sous développement.

Note de lecture: Voir les réactions à cette chronique de Claude Allègre. Voir dans la liste de ses chroniques à l'Express celles qui ont trait au réchauffement climatique. Voir ici une critique des positions de Claude Allègre par Jean Marc Jancovici.

Aujourd'hui, dans son nouveau livre, « Ma vérité sur la planète », le directeur du laboratoire de géochimie de Paris persiste et signe, réglant leur compte à ses détracteurs. Mais il ne limite pas son propos à ce seul phénomène, et passe en revue les problèmes environnementaux auxquels la planète est confrontée : eau potable, protection des océans, biodiversité, ressources naturelles, effet de serre, pollution urbaine, traitement des déchets urbains. Et il propose des solutions qui préservent à la fois l'environnement et la croissance économique. Pour lui, c'est la clé du problème. Faire que l'écologie ne tourne plus le dos au progrès, mais en devienne le nouveau moteur. Prendre, pour le XXIè siècle, le relais de l'automobile, de l'aviation et de l'informatique au XXè siècle. Il a bien voulu répondre aux questions du « Spectacle du Monde ».

L'écologie a-t-elle eu la place qu'elle méritait dans la campagne présidentielle ?

Non, malheureusement ! Aucune réponse précise n'a été apportée aux grandes questions qui se posent aujourd'hui : l'eau, les déchets urbains, les OGM, le nucléaire et les réserves de matières premières. En vérité, il n'y a même pas eu de débat! Nicolas Hulot a présenté la même charte à tous les candidats. Ils l'ont signée. Comme ils étaient d'accord, il n'y avait plus de raison de discuter. Voilà comment on tue un débat en prétendant le soutenir!

Votre livre s'intitule "Ma vérité sur la planète". Pourquoi ce possessif ?

Je ne prétends pas détenir seul toute la vérité. Mais on affirme tout et n'importe quoi sur l'état de la planète et je tenais à rétablir une certaine vérité que je pense être la bonne.

Derrière ces affirmations en tous genres, vous dénoncez une « secte verte ». De qui s'agit-il ?

Tout comme le Moyen Age suscita des peurs millénaristes sans fondement, un certain nombre de gens, les militants écologistes en l'occurrence, relayés par quelques journalistes – près de chez nous, ceux de Libération ou du Monde –, font du catastrophisme, annoncent la fin du monde et prêchent le retour à la frugalité...

Mais pourquoi parler de « secte » ?

Parce que leur comportement est fanatique et leur croyance aveugle! Ces gens ignorent tout des sujets qu'ils contestent, que ce soit les OGM ou le nucléaire. Leur attitude se cantonne d'ailleurs à une opposition de principe ou une destruction pure et simple.

Trois personnalités sont la cible de votre vindicte : Nicolas Hulot, José Bové et Al Gore. Que leur reprochez-vous?

Ils me rappellent ce film de Sergio Leone, Le Bon, la Brute et le Truand.
- Le bon, c'est Nicolas Hulot ; il est bourré de bonnes intentions, mais risque de nous conduire tout droit en enfer, parce que réduire de trois quarts en dix ans les émissions de CO2 comme il le suggère, cela signifie tuer notre agriculture et notre industrie.
- La brute, c'est José Bové, personnage, à mon avis, nuisible. C'est un ambitieux qui se sert de l'écologie pour prendre une revanche sur la vie et sur son propre père qui était un grand professeur d'agronomie. Son mode d'expression, c'est la violence, héritage de son activisme de Mai-68. Qu'il s'agisse de saccager un McDo ou une serre d'OGM, Bové est un casseur dont la place est en prison.
- Le truand, c'est Al Gore, parce qu'il se sert de l'écologie pour « faire du fric. Il se fait payer deux cent mille dollars plus trois billets d'avion première classe pour une conférence de quarante-cinq minutes. Aux Etats-Unis, l'écologie est un immense business et Al Gore en a fait le nerf de sa guerre politique.

Et puis il y a ceux que vous appelez les « pastèques », verts dehors, rouges dedans!

Les principaux leaders écologistes viennent de l'extrême gauche, Daniel Cohn Bendit, Noël Mamère ou Dominique Voynet. Ils n'ont jamais abandonné leurs idéaux d'antan. Ils devaient, disaient-ils, « faire de la politique autrement ». Or leur mouvement est perclus de batailles de clans, de luttes de pouvoir...

Dans votre ouvrage, vous consacrez un long chapitre au réchauffement climatique.

Le changement climatique est là. Mais je rechigne à parler de "réchauffement". Le phénomène le plus marquant est, en fait, un changement des rythmes du climat avec une plus grande fréquence des phénomènes extrèmes : tempètes, inondations, sécheresses, etc.

Il s'agirait plutôt d'un « dérèglement » donc ?

En effet, un dérèglement dont on ne connaît pas vraiment les conséquences. D'autant que les conclusions du dernier rapport du GIEC sont nettement moins alarmistes que les précédentes. On parle d'une montée du niveau de la mer de trente centimètres sur un siècle, contre plusieurs mètres précédemment. Concernant les températures, on est passé d'une prévision de hausse de 6 à 2 degrés. Pour l'heure, la vérité est que la température n'a pas varié depuis un siècle.

Pourtant, on entend répéter que les dix dernières années ont été les plus chaudes de l'histoire...

C'est faux! Complètement faux! Depuis 1987, il y a eu en Europe une augmentation des températures de 0,5 °C, mais elle n'a pas eu lieu en Amérique du Nord, ni en Afrique. Les changements climatiques ne sont pas nouveaux. Notre planète a connu des âges glaciaires et des périodes chaudes. Prenez le XV1IIè siècle. L'Europe a vécu un petit âge glaciaire. La Seine gelait en hiver et à Londres on traversait la Tamise à pied... Pourtant, en 1719, une canicule a fait en France 450 000 morts. En 1706 et en 1747, deux autres canicules ont fait 200 000 mille morts. Des événements pour lesquels la responsabilité de l'homme et du CO2 ne peut être invoquée... Le phénomène est essentiellement naturel et je considère que l'on ne sait même pas comment il fonctionne. L'atmosphère est un système à la fois chaotique et complexe.

Peut-on d'ailleurs parler sérieusement de température globale ?

Non, bien sûr! Global ne veut rien dire. On prend la température là où on peut la mesurer. Ensuite, que signifie une augmentation de 0,5 °C quand l'amplitude entre la température du pôle, à – 80 °C, et celle de l'équateur, à + 40 °C, est de 120 degrés?

Mais puisque changement climatique il y a, que peut-on faire ?

Une réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre n'aurait pas d'incidence sur le réchauffement avant cinquante ans. D'autres mesures s'imposent : face aux tempêtes, il faudrait enterrer les lignes à haute tension ; face aux sécheresses, mettons en place les moyens de stocker l'eau l'hiver pour l'avoir à disposition l'été ; pour prévenir les inondations, renforçons les digues et les canaux dans la vallée du Rhône et ailleurs...

En dehors de ce changement climatique, quelle est pour vous la première urgence écologique ?

L'eau justement! L'océan, les réserves d'eau potable et l'eau pour l'agriculture. Aujourd'hui, 50 000 personnes meurent chaque semaine par manque d'eau potable. C'est un vrai problème. Ensuite, nos fleuves sont menacés parce qu'on les pompe trop. Or, avec la croissance démographique, qui va se poursuivre jusqu'en 2050, il va falloir pomper encore davantage...

Il faut donc réduire la consommation...

Pas forcément. Parce qu'il y a de l'eau disponible, simplement elle n'est pas là où on en a besoin, ou pas sous une forme consommable. Il faut à la fois bâtir des pipelines pour la transporter et installer des usines de dessalinisation... Nous avons la technologie pour le faire, c'est uniquement une question de volonté politique...

Et d'argent...

Certes, mais aujourd'hui, un litre d'eau désalinisee coûte moins cher qu'un litre d'eau minérale. Et plutôt que de considérer le coût, il faudrait envisager le profit. Suez et Veolia réalisent d'ores et déjà d'importants profits à traiter l'eau en Chine. C'est un exemple de ce que l'on peut faire si l'on a une vision de l'écologie réparatrice et non plus dénonciatrice.

C'est la thèse de votre ouvrage : faire de l'écologie, non un adversaire du progrès, mais au contraire un moteur de croissance.

C'est le vrai défi du XXI" siècle. Le discours catastrophiste ambiant nous dit que la solution à nos problèmes écologiques est un retour en arrière, un arrêt de la croissance, l'abandon du progrès. Au contraire, il faut faire des problèmes écologiques le moteur de la croissance et du développement des pays du tiers-monde.

C'est un beau slogan, mais concrètement?

Pour l'heure, les préoccupations écologiques sont limitées au monde occidental et au Japon, or comme les pays en voie de développement ne vont pas renoncer à se développer simplement parce que quelques "zozos" des pays riches jugent que c'est mauvais pour la planète, il faut les inciter à un développement propre. Si, par exemple, l'on favorise le marché des voitures hybrides, demain la Chine produira des voitures hybrides et nous en vendra peut-être...

Autre exemple : les OGM! Ils représentent à la fois un enjeu agricole majeur et un espoir pour nourrir la planète. Un marché de cent vingt milliards de dollars d'ici cinq ans. Certains pays africains, comme le Kenya et l'Afrique du Sud, l'ont bien compris. La France qui était leader dans cette recherche est en train de se laisser exclure...

Est-ce également le cas pour le nucléaire ?

La France est le numéro un mondial du nucléaire. 78 % de notre électricité en provient. Elle a là une grande opportunité, c'est une énergie de substitution au pétrole et elle n'engendre aucune émission de CO2. Par ailleurs, la France dispose de petits gisements d'uranium, dont l'exploitation est en train de devenir rentable avec la hausse du prix de cette matière première.

Pour vous qu'il s'agisse de l'uranium ou des OGM, il y a de nouveaux marchés à exploiter ?

Dans l'économie, tout se régule. Regardez le problème des déchets urbains : 1,5 kilo de déchets par jour et par personne, soit plus de 1 milliard de tonnes par an. Grâce au prix élevé des matières premières, il est devenu rentable de récupérer l'étain des boîtes de conserve. Un marché économique s'est créé. Les contraintes écologiques engendrent de nouveaux besoins. Dans notre économie post-industrielle, la première matière première, c'est la matière grise. Le virtuel, le conceptuel jouent désormais un rôle essentiel. L'innovation et la gestion des ressources vont devenir facteur de croissance.

Septembre 2009. Claude Allègre persiste et signe!!!! Voici quelques liens qui permettent de comprendre le "persiste et signe" de Claude Allègre.


Mis en ligne le 10/05/2007 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)